Obama, Matt Santos, Sarkozy et les sciences cognitives.

J’assistais samedi à une conférence d’Elisabeth Wehling, linguiste de UC Berkeley, sur la communication politique. Sur l’influence des mots sur notre cerveau afin d’appréhender les questions politiques. Je reviendrai plus en détail sur cette conférence, mais je vais m’attarder ici sur un point, son analyse de la campagne de Barack Obama. Le succès d’Obama selon elle vient du fait qu’il arrive à donner un cadre de valeurs à son dicours. George Bush aurait gagné en 2000 et 2004 grâce à cela, Zapatero de meme : les faits sont structurés dans des cadres (frames). Selon Wehling, les cadres sont façonnés par les valeurs : les électeurs votent pour des valeurs avant leurs intérêts, ce qui expliquerait le vote des classes populaires pour George W. Bush ou Nicolas Sarkozy.

J’ai alors repensé au parallèle que l’on fait souvent entre Barack Obama et Matthew Santos, le personnage de The West Wing. Santos est le candidat latino démocrate à la présidentielle, personnage pour lequel les scénaristes s’étaient inspirés d’un jeune state senator d’alors, Barack Obama. The Guadian y avait consacré un excellent article.

La similitude entre le discours qu’Obama a donné pour le Martin Luther King Day et celui de Matt Santos dans une église de LA est frappante. Obama honorait la mémoire de MLK, celui de Matt Santos se déroulait en pleine campagne présidentielle, après que l’assassinat d’une petite fille noire par un policier latino ait suscité des tensions raciales.

Obama a organisé son discours pour le MLK Day autour du concept «d’emphaty deficit» ; il est parti d’une valeur («core value») équivoque pour les électeurs américains, en y liant des problèmes de tous les jours (vive ensemble, solidarité, health care et éducation).

I’m not talking about a budget deficit. I’m not talking about a trade deficit. I’m not talking about a deficit of good ideas or new plans.
I’m talking about a moral deficit. I’m talking about an empathy deficit. I’m taking about an inability to recognize ourselves in one another; to understand that we are our brother’s keeper; we are our sister’s keeper; that, in the words of Dr. King, we are all tied together in a single garment of destiny.
We have an empathy deficit when we’re still sending our children down corridors of shame - schools in the forgotten corners of America where the color of your skin still affects the content of your education.
We have a deficit when CEOs are making more in ten minutes than some workers make in ten months; when families lose their homes so that lenders make a profit; when mothers can’t afford a doctor when their children get sick

A visionner sur la vidéo ci-dessous à partir de 1″40 jusqu’à la quatrième minute :

Matt Santos en est très proche lorsqu’il fait un discours sur le «déficit de compassion» dans cette église. en scandant «compassion», «compassion» et en y reliant ses thèmes de campagne.

Imposer ses thèmes de campagne, donner au débat la forme que l’on souhaite et le structurer autour de valeurs fortes, c’est ce que Obama arrive à faire avec brio et pourquoi il gagnera. C’est aussi ce qu’avait réussir à faire Nicolas Sarkozy. Faites le test. En quelques phrases, pour quoi était Nicolas Sarkozy ? Travailler plus pour gagner plus, la tolérance zéro, la France d’après. Pour quoi était Ségolène Royal déjà ?

Le PS a perdu la bataille culturelle faute d’idées intelligibles.

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